L. Bigòrra —————————————- Totot El Toto —————– Écriture et Traitrise
Génèse – 28 jours
Categories: performances, prose

Le narrateur, nommé je, avance. Il est guidé, il n’a plus besoin de sa vision. Il regarde la main du personnage nommé Henri.

Paume contre paume, le terrain est familier maintenant. C’est la terre de tous, la sienne aussi.

Le cœur du narrateur bat exagérément. Les espoirs de rester là, de partir de là emballent l’intérieur du narrateur.

Le bras du personnage nommé Henri le projette à l’endroit où il doit se trouver, face au personnage nommé Nicolas.

Ils sont unis dans l’instant par la volonté du personnage nommé Henri.

Le personnage nommé Henri est une autorité.

Tout se fige. Ils se figent. Tous les personnages présents cessent pour le respect, pour la célébration.

Cette nuit noire devient lumineuse. Tout devient un instant obsolète, les corps, les yeux, les bites, les capotes, la Ville, les culs, la frontière. La vision se restreint.

Il n’y a plus que le narrateur. C’est une phrase que le narrateur se dit aussi. Il n’y a plus que le narrateur. Un grand corps pâle étreint le narrateur. L’étreinte du soulagement. La dernière étreinte. Que ce soit la dernière pour ne jamais oublier son goût.

OU

Je passe la porte. J’entre à nouveau dans le monde. Le monde de la réalité. Le monde de la modernité. Le monde du futur. Je regarde mon téléphone. J’ai vieilli et pourtant je n’ai pas l’air vieux. Le monde a vieilli plus vite. Les codes ont changé, les outils ont changé. Les hommes doivent changer. Je marche le long de l’avenue. Le monde de là-bas s’aplatit, déjà.

Il marche à mes côtés. Il glisse sa main le long de mon bras. Ses doigts atteignent la paume de ma main. Je ne le repousse pas. J’accepte le geste, la continuité. J’accepte d’importer dehors ce qui naît de là-bas.

J’accepte qu’il exporte ce qui vient de là-bas.

J’accepte la dénaturation. J’accepte la transformation.

OU

Henri m’a bien dit il est pour toi Nicolas.

Il m’a vendu son petit cul vorace.

Il m’a vendu sa petite gueule innocente, petite gueule méchante.

Sa grande bouche.

Quand je l’ai vu, je l’ai attiré vers moi. Je l’ai serré fort.

Il a pas dit non, il a baissé son fute.

Il a attendu comme on attend une punition.

Je voulais l’insulter pour le jeu, pour m’exciter. Pour l’exciter.

Ça m’a démuni, il me donnait son cul.

Il m’a fait bander direct. Il m’a fait bander pour toujours.

Je voyais les regards des autres. Tous voulaient son cul, il me l’offrait à moi.

Et je le voulais que pour moi, son cul pour moi tout seul.

Le posséder et le monde m’appartiendrait.

Sortir d’ici avec lui. Je l’embrasse. Je le baise.

OU

Je me fais baiser.

Une baise onctueuse, une baise commune. Une baise communiste.

Les marcheurs font un certain raffut.

Je sens les pressions des différentes mains, certaines insistent, certains effleurent. Certains agrippent.

Don de soi. Don d’amour. Ciment des hommes.

De dos, je ne vois pas son visage dans le noir, mon cerveau dans le cosmos, mon corps sur terre.

Et puis.

Et puis, il y a cette pression du pouce et de l’index, une pression subtile depuis le bas du dos à la naissance de ma nuque. Du bas de mon dos à la naissance de ma nuque, un frémissement. Le frémissement. Mon frémissement.

Je le suis. Je suis prisonnier de cet éclair.

OU

Retour au royaume hebdomadaire.

Royaume apprentissage.

Royaume anarchiste.

Conquêtes sans colonie.

Marcher parmi eux.

Toujours ce cœur. Le cœur parle. Il m’écrit des paroles incompréhensibles. Il montre un chemin. Il fait penser au diable.

Le diable étouffe le lâche dans sa paresse.

Mon cœur me guide vers de sombres contrées. Mon cœur plus fort que moi.

Henri est mon diable. Henri me porte dans ses bras. Il me dépose à ses pieds sans bruit, sans but.

Les échappements des bolides symphonisent, l’habituel brouhaha s’épaissit. Ce brouhaha gagne en silence.

Les présents recueillis.

Je suis au centre du culte.

Union et se forme un cercle.

Depuis les bordures certains fixent, d’autres subjugués. Mais tous attendent.

Je reconnais cette arène. Je reconnais ces amants. Je reconnais ces résistants.

Il me drape de soie. Il me baise la bouche.

Il me chuchote ces mots depuis combien de temps es-tu si froid ?

Un souffle envole ma tunique précaire, il me baise. Lui en moi, l’anonymat redevient la règle. La nuit reprend ses droits.

OU

Depuis combien d’heures ma bite me fait errer ? J’ai faim. J’ai toujours faim. Je suis jamais plein. Jamais rassasié.

Toujours une ombre pour donner espoir, pour un pourquoi pas…

pour un celui-là, c’est pour moi.

Je suis assis sur du béton en grappe, je croise un ami. Il me dit bouge pas promis ! Je suis stationnaire. Je m’ennuie, il fait tiède pourtant. De ces nuits qui promettent, de ces nuits qui font croire sans besoin de savoir quoi.

Henri me dépose un gars devant moi.

Regard pute, regard frais.

On parle vite. On dépasse la phase aimable vite.

Tu me plais je lui dis. Il sourit et je sais que je peux le baiser. Je peux le baiser plusieurs fois.

Je le fais rire, je le séduis.

Je veux plus que mettre ma bite dans sa bouche. Ma bite dans ton cul, je lui dis.

Il sourit et je l’embrasse comme dans les films. Il me serre comme dans les films.

Je veux te conduire au bord de la mer, loin de eux. Loin de ça.

Qu’est qu’on fout sous une autoroute, je lui demande.

Il hausse le épaules, c’est chez nous, il répond.

Je veux pas savoir s’il est ironique.

Je prends sa main. Je lui dis viens je t’emmène loin.

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