(texte original en français ci-dessous)
Primer amor
L. Bigòrra
Traducción de Andrea Franco
Ahí hay un hombre, cuarentón, delgado, morocho, me mira fijo. Cuando lo miro, no mira para otro lado. No sé nada, perturbado, me sonrojo, se me para la pija. Tiene un aire depravado que me hace entender todo.
Puesto de librería, hojeo cualquier libro. Lo miro sin miedo porque su sonrisa despreciable y conquistadora lee en todo mi cuerpo que le pertenezco. Sus ojos me dicen que siga sus movimientos. Clavo la mirada en su pantalón de franela gruesa. Toca el lugar donde está su pija. Eso le gusta. Estoy a unas pocas cuadras de mi madre, mi habitación, mi infierno. Sin embargo, lo veo tocarse la pija, sus ojos en los míos. Mi corazón late fuerte. Tengo miedo de que esto termine, de que nos vean. Entre el mediodía y las dos de la tarde hay miles de personas que pueden vernos, pero estamos solos en el mundo. Es casi romántico. Primera historia de amor.
Me sigue como si nada, sin vergüenza, intrépido. Miro fascinado su mano. Se me para como nunca. Me gustaría pensar que, de noche, cuando esté solo en mi balcón, él levantará la cabeza y mirará hacia mí. Me olvido de la hora, me olvido de la escuela. Su mano sobre su pija, su mano sobre su pija, sus ojos sobre mí. Sobre mí. Como si tuviera un anzuelo, sabe que me tiene enganchado de la boca y el corazón. Me detengo y no quiero que desaparezca. Ya casi cerca, me indica que salga de la calle principal. Sigo su mano que se toca la pija. Primera vez que no miento, o no tanto. Pantalón gris, saco azul marino, rulos blancos y negros, entra en un edificio. Entro detrás de él. Montaña rusa, gran salto, la locura. Nada es racional. ¿Soy yo el que sigue a un viejo que se toca mientras me mira? ¿Es a mí al que se le para como loco con la sola idea de ver su pija, de tocarla? ¿Soy yo el gran puto depravado?
Me habla. Oídos tapados, no puedo escuchar, solo puedo sentir. Quiere que entremos en el ascensor —suite nupcial—, para consumar, para protegerse también. No podemos actuar con libertad. Ir de la mano, besarse, amar o fingir; siempre hay un cerdo preparado para abuchear, patear y agredir. Somos los pervertidos, los peligrosos, somos sucios y vergonzosos, por eso tenemos el hueco de la escalera. Cierro la puerta del ascensor. Él presiona el botón del piso más alto. La puerta que se cierra, al fin solos, mi amor. Avanza seguro. El espacio se reduce. Pone su mano sobre mi pecho. Tengo tetas porque estoy gordo. Tengo tetas y tengo una vergüenza tan grande que ya no me pongo remera sin saco, desde hace años que muero de calor en el verano. Los otros chicos son delgados, todos se muestran, todos son hermosos. Yo siempre tengo frío, sobre todo cuando el sudor se desliza por mi cara. Estas tetas son lo primero que toca suavemente, de forma descarada. Me ve de verdad. Se acerca para besarme. Llegamos hasta arriba, último piso. Ya. Presiona el botón. Bajamos de nuevo. Todavía acerca su boca a la mía. No en la boca, le digo, como en J’embrasse pas, la película donde el hetero que se prostituye en París se enamora de una prostituta. El proxeneta de ella lo termina violando. Miro la escena en loop en el VHS, es mi primera escena de sexo homosexual. A escondidas, y lo lamento por la violación. Cuando no se tiene nada, se toma todo. No insiste mi esposo, mi amante. Deja su mano sobre mi pecho reivindicado, pone su otra mano en mi cola. La presiona y su sonrisa se acentúa. No puedo más, pongo mi mano ahí donde puso su mano para pegarme a él. Su pija, su verga, la siento dura bajo la tela gruesa de sus pantalones. Es la primera vez que siento una pija dura debajo de unos pantalones. Froto, mi mano va y viene, quiero verla, que aparezca. El ascensor llega de nuevo, esta vez a planta baja. Él insiste en que volvamos al 6to o 7mo. Busco su bragueta, tan fina que no es fácil de encontrar, difícil de bajar. Su miembro tensa la tela. Consigo bajar el cierre y veo un slip color dentífrico. Me mira hacer, orgulloso de lo que voy a encontrar. Tengo su pija en mi mano. Es hermosa, recta, circuncisa. La miro como a un tesoro. Me gustaría acariciarla con mi mejilla, mecerla durante horas. Potente, dura, muy dura, llenarme la boca con ella, pero no puedo. Lo masturbo, como uno se masturba, mecánico. El ascensor llega hasta arriba. Frenético, salgo del ascensor. Fin de la luna de miel, ya tuve bastante. ¿Es posible, entonces, que una pija que se ofrece, una pija que toco, se ponga dura gracias a mí? Creo que voy a desmayarme, gritar. Estoy loco, abandonado a medio camino entre mi casa y la escuela y una pija dura. Mi paraíso a unos centímetros de mi boca, es demasiado. Él me sigue por la escalera mientras bajo. Me pide con ternura que se la chupe un poco. Me ahogo. Fin de la historia de amor. Saca nuevamente la pija de sus calzoncillos a rayas blancas y verdes. Quiero, quiero. Mi sueño, mi liberación, me niego. Mi padre la calle el canal TF1 la vergüenza la Historia los católicos los heterosexuales, todos me ganaron. Débil, le prometo que nos vamos a volver a ver. Le propongo salir un día cualquiera. Recuerdo que tengo que ir a la escuela. Tengo clase de inglés, I have got english class. Me acomodo el saco. Camino lento por la calle. Todavía nunca besé a nadie.
1994
(un jour)
Là, il y a un homme, la quarantaine, mince, typé, il me fixe. Quand je le regarde, il ne détourne pas les yeux. Je connais rien, troublé, écarlate, ma bite bande. Son air pervers me fait tout comprendre.
Étal de librairie, je feuillette n’importe quels livres. Je le regarde sans peur parce que son sourire ignoble, conquérant lit dans tout mon corps que je lui appartiens. Ses yeux me disent de suivre la ligne du sien. Je baisse les yeux sur son pantalon en flanelle épaisse. Il touche l’endroit de la bite. Ça lui plaît. Je suis à quelques centaines de mètres de ma mère, ma chambre, mon enfer. Pourtant je le regarde se toucher la bite, ses yeux dans les miens. Mon cœur bat fort. J’ai peur que ça s’arrête, qu’on nous voie. Entre midi et deux, ils sont des milliers à pouvoir nous voir mais on est seuls au monde. Presque c’est romantique. Première histoire d’amour. Il me suit comme si de rien sans honte, vaillant. Je mate sa main fasciné. Je bande comme jamais. J’aimerais la nuit qu’il lève la tête alors que je suis seul sur mon balcon. J’oublie l’heure, j’oublie l’école. Sa main sur sa bite sa main sur sa bite ses yeux sur moi. Sur moi. Il me sait hameçonné, à la bouche et au cœur. Je m’arrête et je ne veux pas qu’il disparaisse. Presque proche, il me fait signe de quitter la rue principale. Je suis sa main qui touche sa bite. Première fois que je mens pas ou plus trop. Pantalon gris, veste marine, cheveux bouclés noirs et blancs, il entre dans un immeuble. J’entre derrière lui. C’est le grand huit, le grand saut, la folie. Rien n’est rationnel. C’est moi qui suis un vieux gars qui se touche en me regardant ? C’est moi qui bande comme un fou à l’idée de voir sa bite, de la toucher ? C’est moi le gros pédé pervers ?
Il me parle. Oreilles bouchées, j’entends pas mais ne peux que ressentir. Il veut qu’on entre dans l’ascenseur – Chambre nuptiale -, pour consommer, pour se protéger aussi. On peut pas faire librement. Se tenir la main, s’embrasser, s’aimer ou faire semblant, y’a toujours un porc pour siffler, taper, violenter. On est des pervers, des dangers, on est sales et honteux, alors on a la cage d’escalier. Je ferme la porte de l’ascenseur. Il appuie sur le bouton de l’étage le plus haut. La porte qui se verrouille, enfin seuls mon amour. Il avance sûr de lui. L’espace se réduit. Il pose sa main sur mon sein. J’ai des seins parce que je suis gros. J’ai des seins et j’ai une honte si forte que je ne porte plus de tee shirt sans porter de veste, des années maintenant que l’été je meurs de chaud. Les autres garçons sont minces, tous exhib, tous beaux. Moi toujours froid, surtout quand la sueur coule le long de mon visage. Ces seins sont la première chose qu’il touche doucement, fraîchement. Il me voit vraiment. Il se rapproche pour m’embrasser. On arrive en haut, dernier étage. Déjà. Il appuie sur le bouton. On redescend. Il approche encore sa bouche de la mienne. Pas sur la bouche, je lui dis, comme dans J’embrasse pas le film où l’hétéro qui fait la pute à Paris tombe amoureux d’une prostituée. Son mac à elle finit par le violer. Je regarde en boucle sur la VHS cette scène, c’est ma première scène de sexe homo. En cachette et tant pis pour le viol. Quand on a rien on prend tout. Il insiste pas mon mari, mon adoré. Il laisse sa main sur mon sein réhabilité, il pose son autre main sur mes fesses. Il les presse mes fesses et son sourire grandit. Je ne tiens plus, je mets ma main là où il a posé sa main pour m’attirer à lui. Sa bite, sa queue, je la sens dure sous le tissu épais de son pantalon. C’est la première fois que je sens une bite dure sous un pantalon. Je frotte, des va-et-vient, je veux la voir, qu’elle surgisse. L’ascenseur est encore arrivé, en bas cette fois. Il appuie pour qu’on remonte encore vers le 6e ou le 7e. Je cherche sa braguette, le genre fine pas facile à trouver, difficile à descendre. Sa trique gonfle beaucoup le tissu. J’y arrive et je vois un slip couleur dentifrice. Il me regarde faire, fier de ce que je vais trouver. J’ai sa bite dans ma main. Elle est belle, droite, circoncise. Je la vois comme un trésor. Je voudrais me caresser la joue avec, la bercer pendant des heures. Puissante, dure, si dure, remplir ma bouche avec, je ne peux pas. Je la branle, comme on branle, mécanique. L’ascenseur arrive en haut. Affolé, je sors de l’ascenseur. Finie la lune de miel, j’en ai trop. C’est possible alors, une bite offerte, une bite qu’on touche, bandante de moi ? Je crois que je vais perdre connaissance, hurler. Je suis un fou, abandonné à mi-chemin entre la maison et l’école et une bite qui bande. Mon paradis à quelques centimètres de ma bouche, c’est trop. Il me suit dans l’escalier alors que je redescends. Il me demande avec tendresse de le sucer un peu. J’étouffe. Finie l’histoire d’amour. Il ressort sa bite de son slip à rayures blanches et vertes. Je veux, je veux. Mon rêve, ma délivrance, Je refuse. Mon père la rue TF1 la honte l’Histoire les cathos les hétéros, ils ont tous gagné contre moi. Faible, je lui promets qu’on se reverra. Je lui donne un rendez-vous hasardeux.
Je me souviens que je dois aller au collège. J’ai cours d’anglais, I have got english class. Je réajuste ma veste. Je marche lentement dans la rue. Je n’ai jamais encore embrassé personne.